^{20 juin 1999}

Comme prévu, le Salon du Bourget a permis à l'hélicoptère de combat Tigre de franchir une étape décisive: la première commande par la France et l'Allemagne de 160 exemplaires, pour plus de 3 milliards d'euros.

A plusieurs reprises menacé par des vicissitudes budgétaires et politiques, ce programme franco-allemand réalisé dans le cadre de la société Eurocopter - filiale à 70/30 d'Aerospatiale Matra et de DASA - devient à présent réalité et se profile avantageusement sur le marché de l'exportation.

Léger, puissant et mobile

Conçu au début des années 80, à plusieurs reprises retardé dans son développement, l'hélicoptère de combat franco-allemand Tigre n'en est pas moins un engin aux performances impressionnantes: pesant 6 tonnes, équipé d'un rotor quadripale de 13 mètres de diamètre et motorisé par deux turbines MTR 390 de 1285 ch de puissance chacune au décollage, il possède, selon ses pilotes, une mobilité exceptionnelle et très supérieure à ses concurrents, notamment l'Apache américain de Boeing qui est beaucoup plus lourd. Le Tigre atteint la vitesse de 280 km/h pour une autonomie sans réservoir d'essence supplémentaire de 800 km.

Autre avantage, il ne nécessite qu'une faible maintenance pouvant être effectuée directement sur le théâtre des opérations avec une équipe de 4 ou 5 personnes, soit quatre ou cinq fois moins que ce que nécessite l'Apache. Pilote et tireur ne sont par ailleurs pas placés côte à côte mais l'un derrière l'autre, ce qui permet de réduire la largeur de l'appareil et donc sa vulnérabilité aux tirs ennemis frontaux. Des atouts certains pour l'exportation: le Tigre est actuellement en compétition pour équiper les forces armées en Australie, en Turquie et en Espagne.

HAP: version appui-protection

Le Tigre est développé en deux versions, appui-protection (HAP) et antichar (HAC/UHT). La version d'appui-protection répond au besoin de l'armée française d'un engin pouvant être utilisé aussi bien dans la gestion de crises locales que dans le cadre d'un conflit ouvert généralisé. Elle est équipée de trois systèmes de viseurs complémentaires: un viseur principal gyrostabilisé situé sur le toit de l'appareil, un viseur tête haute pour le pilote et des viseurs de casque pour le pilote et le tireur. Le viseur principal fonctionne sur trois modes: par infrarouge, par caméra TV et par canal optique direct.

Le Tigre HAP est armé d'un canon de 30 mm conçu par GIAT Industries, capable de tirer 750 coups à la minute, ainsi que de missiles air-air Mistral d'une portée de 6 km et de roquettes de 68 mm: soit 4 missiles et 44 roquettes, soit 68 roquettes et aucun missile. Il est capable d'opérer de jour comme de nuit. Au total, la charge utile du HAP s'élève à 1800 kg.

HAC/UHT: version antichar

Le Tigre HAC/UHT, qui intéresse principalement l'armée allemande, est une version antichar qui répond à la définition d'un hélicoptère de combat pouvant identifier et engager des buts terrestres, du jour comme de nuit, à une distance supérieure à 5 km. Il se distingue nettement du HAP par son système de tir AC3G-LP situé sur le rotor de l'appareil, qui fournit un viseur optronique et infrarouge CCD, et par une caméra thermique FLIR de pilotage asservie à des viseurs de casque permettant les opérations nocturnes.

L'armement de la version HAC comprend des missiles air-air Mistral et air-sol Hot ou Trigat LP. Rival bien connu du TOW, le Hot est un missile guidé optiquement, par opposition au Trigat LP (Longue Portée), de type "tire et oublie", capable de frapper une cible à plus de 5 km par une attaque directe ou verticale ("terminal dive attack"). La version UHT offre davantage de polyvalence, avec des missiles air-sol Hot ou Trigat LP et des lance-roquettes de 68 mm pouvant être complétés par des pods de missiles Stinger - d'une portée de 5 km - en remplacement des Mistral ou des mitrailleuses antiaériennes de 12,7 mm. Le Tigre HAC/UHT a une charge utile de 1650 kg.

Une structure et avionique ultramodernes

Le Tigre doit largement sa légèreté à sa structure ultramoderne, constituée à 80% de matériaux composite, essentiellement du Kevlar et des fibres de carbone. Sans être furtif, il renvoie une image radar et infrarouge minimale, grâce au design étudié des surfaces, aux peintures absorbantes utilisées et au réducteur de signature thermique appliqué à l'échappement des turbines. Celles-ci sont par ailleurs séparées par une plaque blindée, afin d'éviter la perte des deux en cas d'impact direct sur l'une d'entre elles. Le Tigre est en outre équipé d'une protection ABC et IEM.

L'avionique, tout aussi moderne, comprend les élément suivants:

• Une paire de bus de transfert de données redondants
• Quatre écrans couleur multi-usages, deux pour le pilote et deux pour le tireur
• Des systèmes de navigation autonomes
• Un système de contrôle de vol automatique
• Un générateur de carte digital
• Des récepteurs d'alerte radar et laser

Coût unitaire: 46,5 millions

D'après le contrat signé au Bourget vendredi, les armées de terre française et allemande recevront chacune un premier lot de 80 appareils à partir de 2002 pour l'Allemagne et de 2003 pour la France. Mais les deux pays doivent recevoir au total respectivement 212 et 215 Tigre au cours des 20 ans à venir.

Le développement et l'industrialisation de Tigre auront coûté près de 4,3 milliards d'euros partagés à égalité entre les deux pays. Le coût total du programme pour la France, en incluant les 215 appareils dont elle doit se doter, sera de l'ordre de 10 milliards de francs, soit un coût unitaire moyen de quelque 46,5 millions. Le Tigre devrait toutefois garantir près de 5000 emplois en France et en Allemagne, dont 1300 dans les usines d'Eurocopter à Marignane et Donauwörth et le reste chez les sous-traitants.

Les ambitions d'Eurocopter ne s'arrêtent toutefois pas au Tigre, puisque son deuxième grand objectif pour l'année est la signature du contrat d'industrialisation et d'une première commande de 151 NH-90, l'hélicoptère européen de transport militaire développé par Eurocopter avec l'italien Agusta et le néerlandais Fokker.

Plt Ludovic Monnerat    

Sources