Le lance-flammes à roquette Shmel donne à l'infanterie la puissance de feu d'un obusier
20 novembre 1998
L'industrie d'armement russe a récemment dévoilé le dernier développement de son lance-flammes à roquettes: conçu par la société KBP (Instrument Design Bureau), le Shmel délivre une puissance de feu comparable à celle d'obus d'artillerie pour un poids total de 12 kg.
Une arme qui a fait ses preuves dans un contexte particulièrement délicat: en Tchétchénie.
Succès en Tchétchénie
Voici presque 4 ans, le 11 décembre 1994, les troupes de l'ex-Armée rouge entrent dans la république sécessionniste sur ordre du président Eltsine. L'assaut de la capitale rebelle, Grozny, est confiée à une brigade mécanisée; la résistance des insurgés surprend complètement les Russes: les infantristes juchés sur les chars sont fauchés par des mitrailleuses et les chars sont engagés par des tube-roquettes RPG-7. Le désastre est complet; au terme de l'offensive, la brigade a quelque 500 hommes tués ou hors de combat, alors que 20 chars de combat sur 26 et 100 chars de grenadiers sur 120 sont détruits. En cause: une planification inconsciente, une coordination chars/infanterie insuffisante, mais aussi un manque de puissance de feu en milieu urbain.
Le lance-flammes à roquette Shmel, dans sa version initiale, sera engagé à foison dans ce conflit. Il permettra de déloger des petits groupes de rebelles embusqués, ce que ni les lance-grenades et mitrailleuses (pas assez puissants), ni le feu d'appui indirect ou aérien (trop peu précis), ni les chars de combat (difficultés d'accès) ne parvenaient à faire. Avec pour résultat une diminution drastique des pertes humaines.
Capable de remplacer l'artillerie
Le Shmel, il est vrai, a été conçu dans cette perspective. L'objectif était de concevoir une arme parfaitement adaptée aux exigences d'un combat à courte distance en milieu urbain, mais également capable de remplacer l'artillerie dans des endroits difficiles à atteindre, que ce soit en montagne, en localité ou lorsque la visibilité est réduite. Ce qui impliquait la définition de quatre conditions: haute précision, taille et poids réduits, usage polyvalent et efficacité destructrice d'un obus d'artillerie.
La solution a pris la forme d'une arme de type tube-roquettes, réutilisable, sans recul, peu coûteuse et simple à manipuler comme à engager; nommé lance-flammes d'infanterie à roquette par son fabricant, le Shmel se distingue peu, de prime abord, d'une arme anti-char de type RPG. Sa conception et plus encore sa munition en font toutefois une arme bien plus redoutable.
Une portée standard de 600 m
Les caractéristiques de l'engin parlent d'elles-mêmes: pour un poids de 12 kg, l'arme longue de 920 mm propulse des obus au calibre de 93 mm. Au départ du coup, chaque obus se sépare de sa charge propulsive, ce qui permet de réduire son poids et de supprimer le recul. Du coup, la portée de l'arme atteint 1000 m, même si la distance de tir maximale conseillée est de 600 m; 20 m est la distance minimale. Au vu de la munition utilisée, on ne saurait en douter!
Trois types d'obus sont en effet disponibles pour la version actuelle du Shmel: le RPO-A, thermobare, le RPO-Z, incendiaire, et l'obus fumigène RPO-D. Si leur poids est inconnu, le viseur unique du Shmel semble indiquer une trajectoire semblable; le fabricant est en revanche plus prolixe sur leur effet destructif.
Thermobare: Fuel Air Explosive
La munition thermobare RPO-A est du type Fuel Air Explosive et fonctionne selon le même principe que les bombes CBU-72 FAE, engagées avec force dégâts par les Forces armées américaines durant la guerre du Golfe. L'obus contient une "mixture thermobare" qui, durant sa transformation/détonation, embrase tout l'oxygène de la zone d'impact; ce qui a pour conséquence, non seulement d'élever instantanément la température à plus de 800 °C, mais également de d'exercer une puissance destructrice supérieure à celle d'un explosif classique.
La surpression entraînée par le RPO-A oscille entre 0,4 et 0,8 kgf/cm2, en terrain découvert, à 5 m du point d'impact; dans un local, elle est dix fois plus élevée. Que ce soit en terme de surpression ou d'effet destructeur, selon le fabricant, cette munition est équivalente à des obus d'artillerie explosifs à fragmentation (HEF) de 152 mm.
La munition incendiaire RPO-Z met à feu tous les matériaux combustibles (bois, tissus, plastiques, etc.), dans un local d'environ 100 m3, pour une durée de 5 à 7 secondes; à l'air libre, le RPO-Z allume plus de vingt foyers primaires sur une surface de 300 m2. Enfin, la munition nébulogène RPO-D déploie un écran de fumée long de 55 à 90 m pendant 80 à 120 secondes, équivalent à un obus fumigène d'artillerie.
Pour soldat ou terroriste?
Rustique et efficace, cette arme unique en son genre n'exige pas une technologie de pointe pour être produite en grand nombre; elle a déjà fait l'objet de plusieurs exportations, et la Chine populaire, par exemple, a signé avec KBP un contrat de production sous licence portant sur 10'000 exemplaires.
Redoutable pour le "nettoyage" en localité ou en terrain difficile, le Shmel se situe cependant à l'opposé des armes capables de frappes chirurgicales: son effet destructeur suppose en effet un grand risque de dégâts collatéraux. En revanche, mise entre les mains de forces rebelles ou de terroristes fanatiques, cette arme autorise des raids ou des attentats particulièrement meurtriers.
Et la paix étant infiniment plus facile à briser qu'à restaurer...
Lt Ludovic Monnerat
Sources
Revue d'armement Military Parade, CALL Newsletter list
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