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Les Etats-Unis accusés de massacres de réfugiés durant la guerre de Corée

22 octobre 1999


Manifestation à la base américaine de Wongsan, Corée du Sud, le 10 octobre dernier

Depuis une enquête de l'Associated Press publiée le 29 septembre dernier, les révélations se multiplient, les souvenirs des vétérans comme des victimes refont surface: les Forces armées des Etats-Unis sont accusées d'avoir commis au moins cinq massacres de réfugiés durant les premières semaines de la guerre de Corée.

Malgré la volonté affichée des gouvernements sud-coréen et américain de faire toute la lumière sur ces drames, les archives déclassifiées renvoient une image de la réalité bien plus nuancée que les revendications des manifestants. Retour à sombre histoire.


Corée: la déferlante rouge

Le 25 juin 1950, 7 divisions nord-coréennes franchissent le 38e parallèle et lancent à l'assaut 90'000 hommes et plus de 150 chars, appuyés par 1700 pièces d'artillerie et 200 avions. En face, la République de Corée n'aligne que 4 divisions, aussi mal équipées que mal préparées; en deux jours, Séoul tombe, et en une semaine plus de 34'000 soldats - un tiers des forces du jeune Etat - sont tombés, faits prisonniers ou disparus. C'est le début de la guerre de Corée, le premier conflit de haute intensité de la guerre froide et la première intervention des Nations-Unies fondées trois ans auparavant.

Toutefois, dans l'attente de renforts en hommes, armes et munitions, les premières unités américaines envoyées en Corée subissent de plein fouet la déferlante communiste. Le 5 juillet, le premier bataillon de la 24e division d'infanterie est balayé par la 4e division nord-coréenne, 80 km au sud de Séoul; du 12 au 23, c'est la division toute entière qui est écharpée par deux divisions adverses, 120 km plus au sud. Enfin, alors que 2 régiments de la 1ère division de cavalerie sont défaits deux jours plus tard, à 30 km au sud-est, la 6e division nord-coréenne progresse sur le flanc gauche des forces des Nations Unies et menace la 8e armée US: le 26 juillet, un repli général est ordonné sur des positions défensives, dans le périmètre de Pusan.

Lorsque les Nord-Coréens attaquent ce périmètre en franchissant le fleuve Natkong, le 4 août, plus de 80% du territoire sont entre leurs mains, et les Forces armées américaines ont effectué en un mois une retraite de près de 300 km, en contact permanent ou presque avec l'ennemi, et au milieu d'innombrables réfugiés. C'est durant cette période que des atrocités auraient été commises par ces troupes, dont des centaines de civils sud-coréens seraient victimes. Des accusations qui dénombrent cinq incidents majeurs.


Le major-général Hobart R. Gay, commandant de la 1ère division de cavalerie US

Massacre au pont de No Gun Ri

Le 26 juillet 1950, la 1ère division de cavalerie US se replie en piteux état après avoir perdu la ville de Yongdong, à environ 160 km au sud-est de Séoul. Près du hameau de No Gun Ri, un bataillon prend position près d'un pont ferroviaire avec pour mission de tenir l'emplacement pendant trois jours au moins. Des centaines de civils sud-coréens trouvent un abri sous les arches du pont, qui surplombe une petite rivière, avant d'essayer de poursuivre leur fuite éperdue.

D'après des témoignages de survivants, les soldats américains auraient ouvert le feu à la mitrailleuse pendant trois jours sur les réfugiés, tuant près de 400 d'entre eux. Longtemps occultés par le régime politique sud-coréens, ces témoignages ont été révélés le 29 septembre dernier et en partie corroborés par certaines archives militaires déclassifiées. En particulier un ordre émis par le major-général Hobart R. Gay, alors commandant de la première division: "Aucun réfugié ne traverse la ligne de front. Tirez sur tous ceux qui essaient de traverser les lignes. Faites preuve de retenue avec les femmes et les enfants."

Les déclarations des vétérans américains apparaissent toutefois contradictoires. Certains admettent avoir mitraillé les réfugiés, faisant selon leurs dires de 100 à 125 morts. D'autres nient qu'une telle atrocité ait été commise à No Gun Ri, avançant comme principale raison le manque de munitions d'une unité venant d'effectuer, une semaine durant, une exténuante retraite. Ce qui est en revanche certain, c'est que le jour précédent, plusieurs soldats américains ont été abattus par des soldats nord-coréens déguisés en réfugiés.

Concernant ce drame, une enquête a été ouverte par le gouvernement de la Corée du Sud, les enquêteurs s'étant rendus le 7 octobre sur les lieux du massacre présumé, et Washington a promis à Séoul une totale collaboration à ce sujet. Le Pentagone a d'ailleurs lui aussi ouvert une enquête à ce sujet.


Massacre à l'artillerie à Yongdong

Ce même 26 juillet 1950, une autre atrocité aurait été perpétrée par la 1ère division de cavalerie US. Suite à l'embuscade meurtrière mentionnée ci-dessus, toutes les colonnes de réfugiés sont aussitôt devenues complètement suspectes. Au sud de Yongdong, un commandant de régiment a décidé de prendre une mesure radicale à leur encontre: un nouveau groupe de réfugiés tentant de franchir la ligne de front, il a fait appel à l'artillerie pour les stopper.

Selon des vétérans présents sur les lieux, les feux de mortiers et d'obusiers ont entraîné la mort de quelque 70 personnes, "jambes, bras et corps" étant arrachés et projetés par les détonations. Toutefois, des uniformes nord-coréens et des armes auraient été retrouvés sur plusieurs cadavres.


Le fleuve Natkong à la hauteur de Waegwan, dont les 2 ponts sont ici détruits

Tuerie dans le Natkong

Le 2 août 1950, la 1ère division de cavalerie se trouve en position près du fleuve Natkong, après une semaine de combat retardateur mené sur plus de 60 km. Dans le flot de réfugiés qui ne cesse de s'écouler, des soldats nord-coréens sont régulièrement identifiés et soupçonnés d'infiltrer sciemment les civils en fuite. Un commandant de compagnie ordonne alors de se "débarrasser" des réfugiés.

80 d'entre eux sont abattus, femmes et enfants compris. D'après un vétéran interrogé par AP, "l'armée ne voulait pas prendre de risque". Un autre avoue qu'il n'a "pas aimé le faire", mais que "c'était une question de survie à l'époque". Parmi les cadavres, une dizaine de combattants nord-coréens déguisés seront dénombrés.


Destruction des ponts de Waegwan

Au soir du 2 août, la totalité de la division a franchi le Natkong, à l'exception de l'arrière-garde du 1er bataillon du 8e de cavalerie. L'ennemi sur ses talons, le major-général Gay ordonne la destruction du pont ferroviaire et de la passerelle de Waegwan. Au crépuscule, toutefois, des milliers de réfugiés se massent sur la rive occidentale.

Lorsque l'arrière-garde commence à traverser le pont, les réfugiés se mettent en marche et suivent le mouvement. A plusieurs reprises, les soldats américains reviennent sur leurs pas, tentent de retenir les réfugiés, au besoin par des coups de semonce, avant de regagner la rive orientale; rien n'y fait. Le rapport officiel de la destruction conclut de la sorte: "En fin de compte, l'obscurité est devenue presque complète. Il n'y avait plus d'autre solution: le commandant de la division a donné l'ordre de faire sauter le pont. Ce fut une décision difficile parce que le pont a sauté avec des centaines de réfugiés dessus."

Selon un officier présent sur les lieux, "c'était comme un film au ralenti. Tous les réfugiés sont tombés dans le fleuve". Le nombre de morts s'est probablement élevé à plusieurs centaines. La destruction du pont et ses victimes furent brièvement évoquées dans une publication officielle de l'armée de terre américaine en 1960.


Des hommes du 14e bataillon du génie en train de préparer la destruction du pont de Tuksong-Dong

Destruction du pont de Tuksong-Dong

Un épisode similaire s'est déroulé le 3 août sur le Natkong, mais 40 km en aval, à la hauteur du village du Tuksong-Dong. Le 14e bataillon du génie avait reçu la mission de faire exploser un pont routier long de 198 m. Cependant, là encore, un flux continu de réfugiés franchissait le fleuve. Lorsque les soldats du génie ont tenté d'empêcher les réfugiés de traverser, ils ont été tout simplement débordés, tant les colonnes étaient interminables.

Finalement, à 0701, les charges explosives ont détruit le pont alors qu'il était bondé de civils. Interrogés par AP, des anciens GI ont fait état de centaines de morts. De plus, après l'explosion, de nombreuses familles tentant de franchir le fleuve à la nage se sont noyées, ou ont dû abandonner leurs enfants à mi-parcours. Les vétérans ne se rappellent pas qui a donné l'ordre de l'explosion. L'opération est consignée dans le rapport du 14e du génie avec ce simple commentaire: "Résultats excellents".


Une vérité complexe et amère

Ces révélations à propos de massacres présumés font naturellement peser des accusations de crimes atroces sur les Forces armées américaines. D'autres incidents montrent toutefois la complexité de la question.

A la fin du mois de juillet 1950, la 24e division d'infanterie était également en position sur les berges du fleuve Natkong, à un endroit ou le passage à gué était possible. Soudain confrontés à des hordes de réfugiés traversant le fleuve, et informés de l'habitude nord-coréenne d'y mêler des soldats déguisés, plusieurs commandants ont fait appel à l'artillerie et à des frappes aériennes pour stopper le flux. Mais le commandant de division, le major-général William F. Dean, refusera "de tuer des civils pour tuer des ennemis."

Deux jours plus tard, des attaques nocturnes seront déclenchés sur les arrières de la division par de petits groupes de combattants nord-coréens. Le général Dean sera d'ailleurs finalement capturé.

En définitive, toutes les guerres ne procurent qu'une vérité complexe et amère.


Plt Ludovic Monnerat    






Sources

Dépêches d'agences AP et AFP, textes on-line CNN





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