Publication du rapport du chef de l'Etat-major général: il n'y a pas d'extrémisme implanté au sein de l'armée
31 janvier 1999
Le chef de l'Etat-major général, le commandant de corps Hans-Ulrich Scherrer, a remis la semaine dernière au Conseiller fédéral Adolf Ogi un rapport de 90 pages sur l'extrémisme dans l'armée.
Conclusion du rapport: l'extrémisme n'est pas un problème grave, mais il ne faut pas sous-estimer la xénophobie latente.
Enquête lancée en mai 1998
C'est suite aux incidents en rapport avec l'extrême-droite survenus dans des armées étrangères, notamment la diffusion dans la Bundeswehr de films vidéo particulièrement violents pendant les six premiers mois de 1998, que s'est posée la question de savoir si des événements de ce genre étaient susceptibles de se produire dans l'armée suisse.
Cette question a connu un regain d'actualité avec le cas, évoqué par les médias en avril 1998, d'un premier-lieutenant qui entretenait des contacts par Internet avec des groupes néo-nazis et qui, pour cette raison, a été licencié sur le champ par son employeur.
Se fondant sur les questions posées par la Commission de gestion du Conseil national, le chef du DDPS a de ce fait ordonné au chef de l'Etat-major général, le 8 mai 1998, d'effectuer une enquête sur l'extrémisme au sein de notre armée.
Nombreux organes mis à contribution
Le commandant de corps Scherrer a chargé la Division de la protection de l'information et des objets (DPIO), en collaboration avec le Groupe de travail scientifique de l'armée (MWA) du chef des Forces terrestres de procéder aux investigations et de présenter un rapport.
De nombreux autres organes ont été mis à contribution: l'Office de l'auditeur en chef, le commandement de la sécurité militaire, le Groupe du personnel de l'armée, le service juridique de l’Etat-major général, les examens pédagogiques des recrues 1997 ainsi que des représentants de la police fédérale. La définition même du terme "extrémisme" s'est toutefois très vite posée, puisqu'aucune définition unifiée n'existe, ni en Suisse, ni chez nos proches voisins.
Extrémisme: rejet des valeurs démocratique
C'est ainsi qu'a été adoptée celle figurant dans un message du Conseil fédéral de 1992 destiné au Parlement: "On entend par extrémisme des tendances politiques qui rejettent les valeurs de la démocratie et de l'Etat de droit. Tous les courants de l'extrémisme raisonnent en termes de "ami-ennemi" et sont donc hostiles au pluralisme politique qui caractérise les sociétés démocratiques. Les extrémistes considèrent que leur point de vue est le seul valable et ne font preuve d'aucune tolérance envers les personnes d'opinions différentes. L'extrémisme n'est pas un concept politique "de combat", mais un critère permettant de caractériser certaines orientations politiques dans un Etat de droit. (...) Tous les extrémistes ne sont pas nécessairement favorables à la violence, mais la plupart ne l'excluent pas sous une forme ou une autre ou la considèrent comme inévitable."
Aucun jugement au cours des huit dernières années
Selon l'Office de l'auditeur en chef, aucun jugement n'a été prononcé, jusqu'à présent dans le domaine militaire, qui serait fondé sur des faits de nature indéniablement extrémiste. Il existe seulement quatre jugements, prononcés dans des cas très particuliers, dans lesquels l'extrémisme ou le racisme au sens le plus large ont joué un certain rôle. En ce qui concerne l'extrémisme de droite, il n'y a aucun cas où les personnes concernées auraient été exclues du service militaire, de sorte qu'on ne peut pas parler d'une augmentation massive de cas qui justifieraient une exclusion.
La plupart des informations sur l'extrémisme parviennent au Groupe du personnel de l'armée par la voie juridiquement fondée des communications de jugements. Les informations des médias relatives à des activités extrémistes ont été étudiées par le Groupe dans la mesure du possible. Ces vérifications sont toutefois difficiles: souvent, il n'est pas possible d'identifier les personnes concernées. En raison de la protection des données et de la personnalité, les communications des médias sont rendues "opaques". Pour ces raisons, il est impossible de procéder à des recherches spécifiques auprès d'autres services administratifs, faute de dispositions légales appropriées.
Enquêtes dans les écoles militaires
En octobre 1998, une enquête écrite a été effectuée auprès de 58 écoles militaires (écoles de recrues, de sous-officiers et d'officiers), dans le but de réunir des chiffres concrets sur les manifestations de l'extrémisme politique pendant l'année en cours. Une évaluation spéciale de l'examen pédagogique des recrues 1997 devait fournir des précisions sur la diffusion des opinions extrémistes et xénophobes parmi la jeunesse astreinte aux obligations militaires.
Les résultats peuvent être résumés comme suit:
- L'extrémisme de droite comme de gauche n'a pas de réelle importance quantitative dans les écoles militaires.
- Les opinions politiques extrémistes sont répandues parmi les jeunes militaires dans des proportions similaires à ce que l'on trouve dans la population.
- Environ 3% des recrues interrogées en 1997 peuvent être considérées comme ayant des idées respectivement d'extrême gauche ou d'extrême droite.
- Les cas de manifestations extrémistes survenant sporadiquement dans des écoles sont pour l'essentiel des manifestations à caractère d'extrême droite, caractérisées par une xénophobie latente.
- Le risque de voir des extrémistes de droite accéder à des positions de cadres est considéré comme faible.
- La majorité des commandants d'écoles est d’avis qu'actuellement il n'y a pas de véritable "montée" de l'extrémisme parmi les jeunes militaires.
Ces enquêtes permettent de conclure que l'armée de milice, avec ses brèves périodes de service et son faible degré d'"encasernement", n’offre pas des conditions idéales pour l'éclosion d'associations masculines et d'autres sous-cultures d'extrême droite. Ces conclusions sont valables également pour l'extrême gauche.
Un problème à ne pas perdre de vue
L'extrémisme politique dans l'armée n'est pas considéré aujourd'hui comme un problème grave par la justice militaire, l'administration militaire et la troupe. Il n'existe pas d'extrémisme "maison" qui serait propre à l'armée. Les incidents qui se sont produits ça et là restent des cas isolés. Il est en outre envisagé de continuer à suivre ce problème avec toute l’attention voulue en procédant à des enquêtes sociologiques, notamment dans le cadre des examens pédagogiques des recrues. Une information sera donnée périodiquement.
En revanche, il ne faut pas sous-estimer l'actuelle xénophobie latente. En effet, vouloir la tolérer comme une manifestation apparemment normale peut très vite favoriser une évolution vers l'extrémisme politique de droite. Il ne faut donc pas se complaire dans un sentiment trompeur de sécurité. Les manifestations d'extrémisme politique doivent être surveillées attentivement et, si nécessaire, faire l'objet de sanctions.
Exclusion possible de l'armée
Les dispositions légales relatives à ce sujet sont subtiles et équilibrées. Cependant, une lacune de la loi doit être comblée: selon le rapport, il devrait être possible à l'avenir d'exclure de l'armée un militaire dont les opinions extrémistes, si elles n'ont pas encore dépassé les limites entraînant des sanctions pénales, rendent néanmoins problématique une affectation de ce militaire avec le grade prévu ou qu'il aurait déjà revêtu.
Rewriting: Plt Ludovic Monnerat
Sources
Communiqué de presse du DDPS
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